La publication par la Documentation Française du rapport commandé par Madame Duflot sur les attributions des logements sociaux, me donne l’occasion d’évoquer cette question aux enjeux fondamentaux dans l’Habitat Participatif social.
« Je souhaite que la réflexion soit toujours ramenée à l’enjeu pour les personnes. Sans les considérer comme des dossiers. Et en partant aussi du principe que le sujet dont nous parlons, c’est le lieu où elles vont vivre, leur logement. Le processus doit leur laisser une place, les personnes doivent en faire partie, la décision doit leur appartenir ». Cécile Duflot, 16 janvier 2013
Car c’est bien là la question fondamentale des attributions de logements sociaux : les personnes qui en font la demande sont infiniment plus que des numéros de dossiers auxquels il faut in fine faire correspondre un logement. Ce sont des gens qui vont vivre là où un logement leur sera attribué, un traitement « quantitatif » du dossier n’est pas possible or c’est encore et trop souvent le cas.
Singulièrement avec l’arrivée de la loi sur le logement que préparent les services de Madame Duflot, l’Habitat Participatif social devrait selon toute logique se développer. L’équilibre des projets d’Habitat Participatif si difficile à construire et à maintenir peut être remis en cause par une attribution de logement irréfléchie mais néanmoins conforme à la règle. On n’imagine pas pas les dégâts humains que cela peut causer.
À Habitat Différent, nous, nous pouvons compter sur notre bailleur social, le Toit Angevin qui depuis trente ans qu’il s’est engagé à nos côtés dans ce projet ambitieux, a toujours été à l’écoute de ces questionnements. Mais il faut également faire avec l’amnésie des institutions, et particulièrement des commissions d’attribution de logements sociaux. Le renouvellement fréquents des membres et donc leur « inculture » relative en matière de projets d’Habitat Participatif que certains dénoncent même de façon très dogmatiques en les considérant comme des « ghettos à bobos« , ce renouvellement donc crée régulièrement la nécessité de réexpliquer le bien fondé du projet, la nécessité de réaffirmer haut et fort qu’il n’y a pas de passe-droits particuliers à choisir préférablement et à critères sociaux équivalents quelqu’un qui choisit l’Habitat Participatif de façon volontariste plutôt que quelqu’un qui le découvrirait en emménageant.
Il y a quelques jours je recevais un représentant de l’USH, Union Sociale de l’Habitat qui venait pour essayer de comprendre comment Habitat Différent avait pu tenir depuis 30 ans. Quels compromis les habitants faisaient au quotidien pour maintenir l’équilibre de ce « vivre ensemble chacun chez soi« , quels efforts avait consentis le Toit Angevin pour que vive ce projet qui aujourd’hui est exemplaire à bien des égards. Il est reparti après avoir posé beaucoup de questions, s’être étonné de nombreuses fois et avoir, je crois, découvert que l’Habitat Participatif offrait des possibilités qu’il ne soupçonnait pas nécessairement pourvu que les institutions fassent confiance aux habitants ! Car la clé de la réussite est là : c’est la substitution de la confiance mutuelle comme postulat de départ à la défiance de principe qui est généralement la règle dans les relations institutions-personnes mais également personnes entre-elles.
Il faut noter également, l’intelligence des porteurs de projets d’Habitat Participatif social qui dès le départ conçoivent leurs projets de telle sorte qu’ils soient réversibles et puissent redevenir un habitat classique car il n’y a rien de pire qu’un merveilleux projet sur le papier qui échoue et devient un enfer pour ses habitants qui, dans le cas de l’habitat social, n’ont souvent pas la possibilité de partir ailleurs. Certains projets des années 70′ qui devaient être des havres de paix et de convivialité sont aujourd’hui des ghettos sordides où des populations captives survivent tant bien que mal et plutôt mal d’ailleurs et où l’on s’étonne qu’ils produisent (ces quartiers) du chômage, des dépressions, de l’incivilité et de la délinquance. On remarquera au passage que celles et ceux qui les ont conçus n’y ont jamais vécu et n’y vivront jamais…